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Generic Top Level Domain Name (gTLD) Decisions

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CHERIE FM contre Farid BOUALI [2002] GENDND 1722 (26 December 2002)


World Intellectual Property Organization

Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

CHERIE FM contre Farid BOUALI

Litige No. D2002-0731

1. Les parties

Le requérant est CHERIE FM, Société Anonyme, dont l’adresse du siège social est 22 rue Boileau, 75016 Paris (France).

Le mandataire habilité à agir au nom de la Requérante est Sylvie Morel, avocat au sein du cabinet Vaïsse & Associés, ayant son adresse à Paris (France).

Le Défendeur est Monsieur Farid Bouali, demeurant à La Ciotat (France).

2. Les noms de domaine et l’unité d’enregistrement

Les noms de domaine concernés sont <cheriefm.net> et <cheriefm.org>. Ces noms de domaine ont été réservés respectivement le 5 mars 2002, et le 26 février 2002, auprès de Network Solutions, Inc (NSI). Le contrat d’enregistrement est rédigé en langue anglaise.

3. Rappel de la procédure

Le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI (ci-après le "Centre") a reçu le 2 août 2002, par courrier électronique et par courrier postal une plainte de la société CHERIE FM à l’encontre Monsieur Farid Bouali. Les taxes requises ont été acquittées par virement bancaire.

Le 2 août 2002, le Centre accuse réception de la plainte.

Le même jour, le Centre sollicite auprès de l’unité d’enregistrement les vérifications nécessaires en relation avec le litige. La procédure de vérification s’effectue entre le 2 et le 7 août 2002.

Le 12 août 2002, le Centre vérifie que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles") approuvées par l’ICANN le 24 octobre 1999, et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l’application des Principes directeurs précités.

Le 12 août 2002, le Centre notifie la plainte et annonce l’ouverture de la procédure administrative. Cette notification est envoyée à l’ensemble des parties concernées conformément aux Règles.

La procédure est suspendue entre le 12 août 2002, et le 28 octobre 2002, dans la mesure où le Défendeur a contacté la Requérante en vue de procéder au transfert volontaire des noms de domaine objets du litige. Le Défendeur adresse une communication au Centre le 30 octobre 2002, en exposant les difficultés qu’il rencontre à effectuer le transfert volontaire des noms de domaine. Un échange de courriers électroniques avec le Centre s’en suit. La procédure est suspendue à nouveau entre le 15 novembre 2002, et le 2 décembre 2002, le transfert amiable n’étant pas effectif. Les 3, 8 et 9 décembre 2002, le Défendeur s’adresse à nouveau au Centre pour exposer qu’il a toujours été disposé à transférer les noms de domaine amiablement et transmet un document justificatif de cession non signé par les parties. Le 9 décembre 2002, la Requérante présente des observations complémentaires pour montrer que le transfert volontaire des noms de domaine était en cours mais que le Défendeur a volontairement tardé à procéder au transfert, qui était techniquement possible. Le 20 décembre 2002, le Centre annonce qu’il va procéder à la nomination de l’expert.

Le 17 décembre 2002, le Centre invite Nathalie Dreyfus à servir comme expert dans ce litige. Le 19 décembre 2002, une déclaration d’acceptation, d’impartialité et d’indépendance est adressée au Centre par télécopie.

Le 20 décembre 2002, le Centre notifie aux deux parties la nomination de la Commission administrative composée de Nathalie Dreyfus comme expert unique.

Simultanément, un dossier de communication du dossier est envoyé par courrier spécial à l’expert.

Après vérification, il apparaît donc que la procédure est régulière en application des Principes directeurs, des Règles et des Règles supplémentaires.

La présente décision est rédigée en français en application du paragraphe 11 a) des Règles dans la mesure où les deux parties demeurent en France et ont communiqué en français, bien que le contrat de l’unité d’enregistrement est rédigé en langue anglaise.

4. Les faits

La plainte est basée sur les enregistrements de la marque "Chérie Fm" suivants :

- enregistrement de marque française semi figurative N° 1.622.753 du 22 octobre 1990 (renouvelée), qui vise des services des classes 38 et 41, déposé à l’origine par la société NRJ, appartenant au même groupe que la société CHERIE FM. Cette marque a été cédée à la société CHERIE FM le 25 novembre 1992, et cette cession a été inscrite à l’INPI le 4 février 1993. Elle est ainsi opposable aux tiers depuis cette date. Le renouvellement de la marque a été effectué au nom de la société CHERIE FM.

- enregistrement de marque française semi figurative N° 94509056 du 2 mars 1994, pour des produits et services des classes 3, 9, 12, 15, 16, 18, 25, 28 et 35 au nom de la société CHERIE FM Eurl;

- enregistrement de marque internationale semi figurative N° 566.104 du 4 mars 1991, pour des services des classes 38 et 41, déposée par la société NRJ et cédée à la société CHERIE FM par acte de cession du 5 décembre 1994, et inscrit le 28 décembre 1994, au registre international des marques;

- enregistrement de marque internationale semi figurative N° 623.854 du 2 septembre 1994, pour des produits et services des classes 3, 9, 12, 15, 16, 18, 25, 28 et 35 appartenant à la société CHERIE FM.

La Requérante est également titulaire directement ou indirectement des noms de domaine <cheriefm.fr>, <cherie.fm>, <cheriefm.com> et <chériefm.com>.

5. Argumentation des parties

A. La Requérante

La Requérante expose que la marque et la dénomination sociale "CHERIE FM" renvoient à une station de radio française célèbre diffusant de la musique de variété. Les services fournis par la Requérante sur ledit site Internet sont entre autres des nouvelles en matière de musique, la diffusion d’interviews et de photos de stars, des horoscopes quotidiens, la possibilité d’écouter des extraits de chansons, des services en matière de divertissement, de films et de concerts, des informations nationales et locales, des liens avec d’autres sites Internet culturels, et de la vente en ligne.

Les noms de domaine litigieux n’ont fait l’objet d’aucune exploitation. Les adresses Internet "www.cheriefm.net" et "www.cheriefm.org", renvoient sur le site "www.amen.fr" appartenant à la Société AMEN.FR, société fournissant des services en matière d’Internet, notamment des services liés aux noms de domaine. Il ne s’agit en aucun cas de l’exploitation d’un site Internet actif.

La réservation des noms de domaine <cheriefm.net> et <cheriefm.org> porte ainsi directement atteinte aux droits sur la marque "chérie fm" et à la notoriété de la Requérante.

La Requérante montre que les noms de domaine objets du présent litige sont similaires à ses enregistrements de marques antérieurs. Elle allègue que le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime à détenir ces noms de domaine. Enfin, elle présente des observations sur la détention et l’usage de mauvaise foi des noms de domaine par le Défendeur. En particulier, le Défendeur ne pouvait ignorer les droits de marque de la Requérante, n’avait pas de projet d’offres de service sous ces noms de domaine et qu’il a prétendu vouloir transférer amiablement les noms de domaine sans résultat tangible, probablement pour gagner du temps.

B. Le Défendeur

Dans ses différents échanges, le Défendeur avance qu’il a accepté immédiatement de procéder au transfert volontaire des noms de domaine sans contrepartie financière. Le défendeur avance des difficultés techniques pour la non réalisation effective des transferts et affirme être de bonne foi. Le Défendeur n’a pas présenté, dans le délai imparti, de réponse à la plainte formée par la société CHERIE FM. L’expert a toutefois décidé de tenir compte de ces différents éléments dans sa décision, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation souverain et dans la mesure où le Défendeur n’est pas représenté. Le Défendeur a notamment transmis un document portant cession des noms de domaine objet du litige, mais ce document n’est pas signé.

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 15(a) des Règles indique à la Commission administrative les principes de base à utiliser pour se déterminer à l’occasion d’une plainte : la Commission doit décider sur la base des arguments exposés et documents soumis selon les Principes directeurs et les Règles d’application ainsi que toutes règles ou principes légaux qui lui semblent applicables.

Appliqué à ce cas, le paragraphe 4(a) des Principes directeurs indique que le requérant doit prouver chacun des points suivants :

(1) le nom de domaine enregistré par le défendeur est identique, ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits,

(2) le défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni intérêt légitime qui s’y attache,

(3) le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Les noms de domaine <cheriefm.org> et <cheriefm.net> sont quasi-identiques aux enregistrements de marques antérieures "chérie fm" de la Requérante. Les seules différences sont d’une part, l’absence d’accentuation de la voyelle "e" et la suppression d’espace entre les mots, qui sont techniquement indispensable. L’adjonction des suffixes descriptifs ".org" et ".net" est inopérante à faire disparaître la reproduction ou l’imitation des marques antérieures "chérie fm" de telle sorte qu’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.

En conclusion, nous estimons que la condition d’identité, ou à tout le moins de similitude prêtant à confusion est totalement établie.

B. Droits et intérêts légitimes

Divers éléments sont à prendre en considération :

- Tout d’abord, il ne peut être contesté que le Défendeur n’ait obtenu aucune autorisation, ni aucune licence de la part de la Requérant d’utiliser la marque "cherie fm".

- Ensuite, le Défendeur ne pouvait ignorer l’existence de la marque "cherie fm". La marque "cherie fm" est en effet largement connue et a fait l’objet d’une large exploitation, notamment par le biais de campagnes publicitaires.

- Enfin, les noms de domaine objet du présent litige ne sont pas exploités et renvoient simplement vers le site d’une société AMEN.FR fournissant des services en matière d’Internet, et en particulier des services relatifs aux noms de domaine.

Dans ces conditions, nous estimons que l’absence de droits et d’intérêts légitimes est établie.

C) Enregistrement et Utilisation de mauvaise foi

La Requérante établit que la station de radio "Chérie Fm" est une radio française connue non seulement en France mais également en Europe, de part les activités internationales du groupe NRJ.

Le Défendeur ne pouvait ignorer l’existence de droits sur le terme "Chérie Fm" lorsqu’il a effectué la réservation des noms de domaine litigieux. L’utilisation du terme spécifique "fm" dans les noms de domaine objets du présent litige montre la volonté du Défendeur de faire référence à la station de radio "Chérie Fm".

Par ailleurs, les noms de domaine <cheriefm.org> et <cheriefm.net> ne correspondent à aucun projet d’offres de biens et de services puisqu’ils ne sont pas attachés à des sites actifs. L’absence d’utilisation de la part du Défendeur peut constituer un élément révélateur de sa mauvaise foi. A ce sujet, il a été décidé dans l’affaire Telstra que la détention passive d’un nom de domaine peut montrer l’enregistrement et l’usage de mauvaise foi d’un nom de domaine, notamment s’il existe des éléments complémentaires comme dans le cas présent (Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI n° D2000-0003)

Enfin, le Défendeur argue de sa bonne foi et en exposant avoir immédiatement, dès l’ouverture de la procédure, proposé un transfert volontaire des noms de domaine objet du présent litige sans toutefois justifier des documents montrant le transfert effectif des noms de domaine au profit de la Requérante, après plusieurs mois. Il n’a pas demandé de contrepartie financière en l’échange de ce transfert, qui devait être effectué gracieusement ou tout au plus moyennant le remboursement des frais réellement exposés pour la réservation de ces noms de domaine. Bien que des démarches aient été entreprises afin d’effectuer ces transferts par le biais de négociations entre les parties et des échanges avec le Centre, elles n’ont pas abouties. L’opération de transfert de noms de domaine relavant des zones ".org" et ".net" est possible même pendant une période de suspension de la procédure devant le Centre dans la mesure où elle intervient au sein de la même unité d’enregistrement. L’absence de justificatif de ces transferts effectifs après plusieurs mois nous apparaît constituer un élément supplémentaire de l’absence d’usage de bonne foi des noms de domaine litigieux puisque le Défendeur n’a pas montré avoir réellement la volonté de transférer effectivement ces noms de domaine, alors que ce transfert était possible rapidement moyennant l’accomplissement de certaines formalités administratives. Dans une affaire relative au nom de domaine <europe2.tv>, la Commission administrative a considéré que la volonté de transfert amiable du nom de domaine ne pouvait être retenu comme un élément de bonne foi en tant que tel dans la mesure où le Défendeur avait tardé à transmettre des documents et informations complémentaires pour effectuer ce transfert (Lagardère Active Broadcast and Europe 2 Communication v Anatol France and Mr. Philippe Boulicau, Litige OMPI N° DTV2002-0006).

En conséquence, le Défendeur n’avait aucun motif légitime d’enregistrer les noms de domaine litigieux et a empêché la Requérante de disposer des noms de domaine correspondant à ses enregistrements de marque.

Nous considérons en conséquence que le Défendeur a adopté un comportement caractérisant un enregistrement et un usage de mauvaise foi des noms de domaine litigieux et que la troisième condition visée aux principes directeurs est remplie.

7. Décision

Vu les paragraphes 4.i) des Principes directeurs et 15 des Règles, la Commission administrative décide :

(a) que les noms de domaine <cheriefm.org> et <cheriefm.net>, enregistrés par le Défendeur Monsieur Farid Bouali sont identiques ou tout au moins similaires au point de prêter à confusion avec les marques détenues par la Requérante CHERIE FM,

(b) que le Défendeur n’a aucun droit ni intérêts légitimes à disposer des noms de domaine <cheriefm.org> et <cheriefm.net>,

(c) que ces noms de domaine ont été enregistrés et utilisés de mauvaise foi.

En conséquence, la Commission administrative ordonne que les noms de domaine <cheriefm.org> et <cheriefm.net> soient transférés à la Requérante.


Nathalie Dreyfus
Expert unique

Date : Le 26 décembre 2002


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